Chapitre 1 – Le monopole : les stratégies classiques

Microéconomie L3
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Dans notre société, on constate une multiplicité de secteurs où une seule entreprise vend des biens et/ou des services, sans que d’autres la concurrence. L’électricité, l’Eau, mais aussi des secteurs tels que les chemins de fer, les services postaux, etc…constituent autant d’exemples illustratifs. En dépit des efforts de régulation incessants durant le dernier siècle, les monopoles continuent d’exister et la question de leur déréglementation se pose de manière récurrente. Un siècle après les lois anti-trust aux États-Unis, l’affaire Microsoft montre que le débat sur les monopoles n’a rien perdu de sa vigueur.

Plusieurs questions se posent et se sont posées aux économistes à propos des monopoles depuis A. Smith. La première concerne les raisons explicatives relatives à l’absence de concurrence. En d’autres termes, quelles sont les barrières à l’entrée empêchant d’autres firmes d’exercer le même métier que le monopoleur. La seconde question est plus spécifique au comportement du monopoleur. Elle concerne les stratégies industrielles et commerciales que pourra envisager le monopoleur. Quel prix va-t-il pratiquer ? Quelle sera la quantité vendue ? Tous les consommateurs seront-ils satisfaits ?

L’État peut-il alors intervenir ? Quelle forme prendra son intervention ?

Le débat sur le Monopole en théorie économique remonte au début du XIXème siècle mais s’est essentiellement vers le début du XX ème siècle qu’il sera à l’avant-scène. En effet, longtemps tournée vers l’analyse de la concurrence et ses mécanismes, la théorie économique a négligée de décrire correctement les mécanismes de la concurrence imparfaite qui constitue la règle. Ainsi de nombreux économistes parmi lesquels on peut citer J. Robinson, P. Sraffa, vont critiquer la démarche néo-classique et proposent de commencer par décrire le comportement de monopole avant d’analyser celui de la concurrence entre plusieurs firmes. Certains vont jusqu’à affirmer que si l’on prend en compte la différentiation des produits chaque entreprise est quasiment en situation de monopole.

1.2. Les raisons d’existence des monopoles.

Les monopoles sont des formes de marché caractérisées par l’existence d’une seule firme qui vend un produit donné. En quelques sortes elles contrôlent de manière exclusive un produit sur un marché donné [H.Varian, 1995]. Cette exclusivité peut être locale, national ou transnational. Ainsi, l’entrée est empêchée sur ces secteurs soit par des barrières naturelles, soit par des barrières légales.

Les barrières naturelles peuvent être technologiques. À titre d’exemple certaines firmes possèdent, grâce à leurs efforts d’innovation, des technologies uniques. Du fait de leurs technologies elles se trouvent en situation où aucune autre firme ne peut présenter les mêmes produits. Ces innovations sont en général protégées par des brevets. Les exemples sont nombreux, le plus frappant concerne l’industrie pharmaceutique, mais aussi l’industrie des logiciels (Microsoft). On peut citer également de nombreuses entreprises dans l’industrie pharmaceutique qui commercialisent des molécules telles que la DHEA, ou encore la VIAGRA, .…

Elles peuvent être également liées à l’exploitation de ressources naturelles : « une eau de source », une mine, un parc naturel, … Ici, les firmes détiennent des actifs qui ne peuvent être détenues par d’autres firmes. Les entreprises détiennent la totalité de la source d’approvisionnement.

Les barrières légales concernent la protection juridique accordée à une entreprise de manière à ce qu’aucune autre ne puisse la concurrencer sans qu’elle ne soit attaquée en justice. De nombreux services étaient vendus par des entreprises publiques en position de monopole. L’électricité, le Gaz, l’Eau, le téléphone, les chemins de fer parmi tant d’autres services. Ici, c’est l’État qui attribue des concessions publiques (des licences) à des entreprises. Il pourrait, et ce qui se fait de plus en plus de nos jours, accorder des licences à des entreprises privés.

1.3. Règles de conduite en situation de monopole.

Un monopoleur est libre de choisir n’importe quel objectif et règle de conduite qu’ils estiment convenables. La rationalité économique l’oblige cependant à tirer profit de cette situation et à maximiser ses profits. Deux raisons peuvent être avancées à cela. La première concerne la satisfaction du désir des propriétaires. Les actionnaires cherchent la valeur la plus élevée de leurs actions et obligent le gestionnaire du monopole à maximiser ses profits. La seconde est davantage liée au fait que la position de monopole ne peut perdurer. Le monopoleur anticipe constamment l’entrée d’une firme rivale. Il tente alors d’accumuler le maximum de profit afin d’investir lorsque la concurrence sera plus sévère.

Outre cette règle de maximisation des profits, on constate d’un point de vue empirique une multitude de monopoles qui cherchent avant tout la maximisation du chiffre d’affaire (la recette totale). Deux raisons peuvent être avancées également. La première concerne la commodité de l’objectif. En effet, les résultats économiques des firmes ne sont connus qu’après la clôture de l’exercice, souvent quelques mois après. En revanche, la recette totale est connue au jour le jour. Les employés peuvent aussi être motivés par cet objectif visible. La seconde raison est plus complexe. Elle concerne, la structure moderne de l’entreprise qui est constituée de salariés, de propriétaires (les actionnaires, salariés et de managers). Selon W.J. Baumol, la maximisation du chiffre d’affaire permet de concilier les trois composantes puisqu’elle assure la pérennité de l’entreprise et donc du travail des salariés, un niveau de profit satisfaisant pour les actionnaires et la reconduite de la mission et un niveau de rémunération important pour les managers. Nous proposons de les examiner tour à tour.

D’autres règles de conduite seront exposées dans le prochain chapitre, lorsque l’État décide d’intervenir et de réglementer certains monopoles.

1.4. Maximisation du profit et « Mark-up » Pricing

Supposons que l’entreprise en situation de monopole cherche à maximiser ses profits. Quel sera son raisonnement ? De quelle manière va-t-elle déterminer ses prix et sa quantité produite ?

L’entreprise cherche à maximiser son profit définit par la recette totale moins le coût total :

Mounir Dahmani

La variable clé ici est la quantité produite. Deux effets contradictoires sont exercés par une augmentation des quantités vendues sur la recette totale. Le premier concerne la baisse des prix lorsque les quantités produites augmentent. Le second est relatif à l’augmentation de la recette totale lorsque les quantités produites augmentent.

Mounir Dahmani

De même, lorsque les quantités produites augmentent le coût total augmente.

Le profit atteint son niveau maximum lorsque le profit marginal est nul.

Ceci est exprimé par les conditions suivantes :

Mounir Dahmani

Cette condition est dérivée du principe de raisonnement marginal qui stipule que le monopoleur augmente ses quantités produites tant que la recette additionnelle (recette marginale) procurée excède le coût additionnel (coût marginal).

Si l’augmentation des quantités engendre un accroissement de la recette supérieur à l’accroissement du coût Mounir Dahmani en d’autres termes, le profit augmente Mounir Dahmani alors le Monopoleur devrait continuer d’augmenter sa production. Retenons ainsi que tant que la recette marginale excède le coût marginal le monopoleur augmente sa production.

Mounir Dahmani

En revanche, si l’augmentation des quantités engendre une recette additionnelle inférieure au coût additionnel, le monopoleur devrait diminuer ses quantités produites.

Mounir Dahmani

Ainsi, le monopoleur détermine sa quantité produite en égalisant la recette marginale au coût marginal. Ceci est appelé condition marginale.

La condition marginale

Mounir Dahmani

1.5. Décomposition de la recette marginale

La recette marginale (la variation de la recette totale résultant de la vente d'une unité supplémentaire) se compose de deux termes :

Mounir Dahmani

L’accroissement des quantités produites admet deux effets : Un effet prix négatif (car le prix diminue lorsque la recette augmente – dans le graphique en rouge) et un effet quantité positif (l’unité supplémentaire vendue procure un gain net égal au prix- dans le graphique en vert).

Trois cas possibles :

Recette marginale positive

Mounir Dahmani

Recette marginale négative

Mounir Dahmani

Recette marginale nulle.

Mounir Dahmani

1.6. Recette marginale et élasticité de la demande

La variation de la recette marginale comme nous venons de l’examiner graphiquement dépend de la zone de la fonction de demande dans laquelle nous nous trouvons. En quelque sorte, la recette marginale dépend de l’élasticité de la demande qui varie tout le long de la courbe de demande. Ce résultat peut être aisément démontré analytiquement. En effet,

Mounir Dahmani

On reconnaît alors ici dans la parenthèse l’expression de l’inverse de l’élasticité prix de la demande. On obtient alors :

Mounir Dahmani

puisque p(q) est positif le signe de la recette marginale dépend de l’élasticité prix de la demande.

Mounir Dahmani

Le graphique suivant illustre ce principe.

Mounir Dahmani

Enseignement : Le monopoleur détermine le prix dans la partie de la demande où la recette marginale est positive. Autrement dit dans la partie inélastique de la courbe de demande.

Démonstration

À l’équilibre nous avons appris auparavant que le monopoleur égalise la recette marginale au coût marginal. Nous avons vu par ailleurs que la recette marginale pourrait s’écrire en fonction de l’élasticité prix de la demande. Or comme le coût marginal est en général positif ceci conduit à dire que l’expression entre les parenthèses est positive. Autrement, l’élasticité de la demande est inférieure à (-1).

Mounir Dahmani

1.7. Maximisation du profit et « markup pricing »

Le Monopoleur détermine le prix qui maximise son profit en fonction de l’élasticité de la demande. Il agit en maximisant sa marge et en respectant le principe du taux de marge. On parle à cet égard de tarification en fonction de la marge ou encore « Mark-up pricing ».

On appelle marge (Mark-up) l’écart entre le prix de vente et le coût marginal alors que le taux de marge (Taux de Mark-up) désigne le rapport entre le prix de vente et le coût marginal.

La marge est égale à : Mounir Dahmani

Le taux de marge est égale à : Mounir Dahmani

L’indice de Lerner est égale à : Mounir Dahmani

Maximisation du profit : une approche graphique.

A/ Le coût marginal est constant.

Mounir Dahmani

B/ Le cas du coût marginal est croissant

Mounir Dahmani

C - Le coût marginal a la forme en « U ».

Mounir Dahmani

1.8. Maximisation du chiffre d’affaires (recette totale)

L’autre possibilité qui est offerte au monopoleur concerne la maximisation du chiffre d’affaire pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Dans ce cas de figure, la règle de gestion est simple : il suffit de produire tant que la recette additionnelle (marginale) est positive et s’arrêter lorsqu’elle s’annule.

La maximisation de la recette totale implique donc que la recette marginale est nulle.

Mounir Dahmani

Le graphique suivant illustre cette assertion.

Mounir Dahmani

 
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